Le marxisme de Luiz Carlos Prestes

 Leader révolutionnaire et dirigeant du Parti communiste brésilien, il a participé à de nombreux événements historiques (tenentismo, Alliance Nationale de Libération). Il a légué une contribution importante pour comprendre la Révolution au Brésil.

Par Anita Leocadia Prestes *

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PRESTES, Luiz Carlos; « Chevalier de l’Espérance » (brésilien ; Porto Alegre, 1898 – Rio de Janeiro, 1990)

1 – Vie et praxis politique

Né à Porto Alegre (Rio Grande do Sul), fils d’Antônio Pereira Prestes, officier de l’Armée qui participa au mouvement républicain de 1889, et de Leocadia Felizardo Prestes, le jeune Prestes déménagea avec ses parents et ses sœurs à Rio de Janeiro dans l’objectif de trouver un traitement médical pour le père, atteint d’une maladie grave. En 1908, la mort d’Antônio Pereira Prestes laissa la famille en proie à des grandes difficultés financières, affrontées avec courage par Leocadia qui se chargea seule de l’éducation de son fils et de ses quatre sœurs.

Orphelin d’un officier de l’armée, le jeune Prestes bénéficia d’une éducation gratuite et entra au Collège militaire. Il y commença sa carrière militaire, à l’âge de onze ans. Élève brillant, il s’inscrivit en 1916 à l’École Militaire de Realengo (Rio de Janeiro), et poursuivit sa formation dans l’ingénierie militaire, qu’il acheva en 1919. Il commença à servir à la Compagnie des Chemins de fer de Deodoro (État de Rio de Janeiro).

Promu premier-lieutenant, Prestes prit part à la conspiration tenentista[1], qui débuta en 1921, et participa à la préparation de l’insurrection du 5 juillet 1922 dans la capitale de la République, Rio de Janeiro. L’insurrection, connue sous le nom de Soulèvement du Fort de Copacabana ou « Les 18 du Fort », fut écrasée au bout de quelques heures. Souffrant du typhus, Prestes ne put y prendre part.

Soupçonné de conspiration contre le gouvernement, Prestes, devenu capitaine, fut transféré dans le Rio Grande do Sul avec pour mission de superviser la construction de casernes. Accusé de corruption, il fut transféré au commandement d’une compagnie du Premier Bataillon des Chemins de fer (1°BF) de Santo Ângelo. Pendant ce temps, la conspiration tenentista se développait et affirmait ses objectifs politiques: la destitution du président Artur Bernardes, le transfert du pouvoir à un homme politique respectant la Constitution de 1891 – jusqu’alors bafouée –, l’introduction du vote à bulletin secret, l’élimination de la fraude électorale et la mise en place d’une justice indépendante respectant les préceptes libéraux consacrés par le régime républicain. Le programme avait ses limites. D’abord, les questions sociales n’étaient pas abordées. Ensuite, l’exécution du plan revenait aux militaires. Les tenentes n’avaient pas l’intention de mobiliser le peuple.

En 1924, se produisit le « Deuxième Cinq Juillet » – soulèvement des tenentistas à São Paulo, sous le commandement du général Isidoro Dias Lopes et de Miguel Costa, major des forces de l’ordre de cet État. Violemment réprimés par le gouvernement fédéral, les rebelles se déplacèrent vers le sud du pays et s’installèrent dans la région de Foz de Iguaçu.

Quant à Prestes, il participait à la conspiration des lieutenants depuis l’État du Rio Grande do Sul et préparait les soldats du 1er° Bataillon Ferroviaire dans le but d’agir de manière organisée lors du soulèvement planifié. Prestes jouissait alors d’un grand prestige dans la ville de Santo Ângelo, où il avait organisé l’installation du nouvel éclairage électrique. En septembre 1924, il démissionna de l’Armée afin de se consacrer entièrement au projet de conspiration dans l’État. Le soulèvement du Rio Grande se produisit dans la nuit du 28 octobre. Au début, Prestes ne put compter que sur le soutien d’un faible nombre d’unités militaires et de quelques caudillos sympathisants de la cause – menés par Assis Brasil, le chef civil des « tenentes ». La plupart des rebelles furent rapidement mis en déroute par les troupes ennemies. Seul le bataillon commandé par Prestes et le lieutenant Mário Portela Fagundes, disposant du plein soutien de leurs soldats, parvint à se déplacer vers São Luiz Gonzaga. Dans cette région, Prestes et Portela encadrèrent environ 1500 combattants, mal armés, mais tenant tête à l’encerclement de 14 000 hommes mobilisés par le gouverneur Borges de Medeiros avec le soutien du président Bernardes. Pour compenser l’infériorité des rebelles en nombre et en armes, Prestes privilégia la tactique de la « guerre de mouvement », consistant à se déplacer très rapidement, et à maintenir le contact avec l’ennemi afin de connaître ses mouvements et le poursuivre efficacement. Cette mission fut accomplie par les « potreadas », petits groupes de soldats partant en éclaireur pour obtenir des informations, transmises ensuite aux commandants. La forte mobilité et l’effet de surprise – deux aspects fondamentaux de la « guerre de mouvement » – permirent aux rebelles de rompre l’encerclement de S. L. Gonzaga. Ces facteurs entraînèrent également la formation de la Colonne Prestes et la marche vers le Paraná à la rencontre des survivants du soulèvement de São Paulo.

En avril 1925, les rebelles se réunirent à Foz do Iguaçu. Les officiers des troupes paulistes, vaincues par le général Cândido Rondon, envisageaient d’abandonner la lutte. Prestes, au nom de la victorieuse Colonne gaúcha, affirma au contraire sa décision de poursuivre la rébellion et proposa de marcher vers l’intérieur du Brésil. Ce plan permettrait d’y attirer les troupes gouvernementales, encourageant le soulèvement des lieutenants dans les capitales du littoral. Une partie des officiers paulistes accepta la proposition et les troupes sous leur commandement furent incorporées dans la Colonne Prestes. Les combattants furent divisés en quatre détachements. Miguel Costa fut nommé commandant et Prestes chef d’état-major de la Colonne réorganisée.

Avec moins de 1 500 combattants, dont 50 femmes, la Colonne parcourut 25 000 km, traversant le Brésil du sud au nord et d’est en ouest, traversant 13 États et livrant 50 combats sans subir la moindre défaite et triomphant de 18 généraux du gouvernement. Contredisant la propagande gouvernementale, la Colonne entendait faire justice partout où elle passait, s’attirant la sympathie de la population avec laquelle elle tissait des liens. Malgré leurs succès militaires, les rebelles ne parvinrent cependant pas à atteindre leurs objectifs politiques. Limités en nombre et en armes, ils s’exilèrent en Bolivie.

Au cours de ce périple, Prestes fut frappé par la misère qu’il observa au contact de la population de l’intérieur du Brésil. Il prit la décision de défendre la fin de la marche et de se consacrer à l’étude des causes de la pauvreté. A partir de février 1927, installé en Bolivie, il commença à lire des textes marxistes, amenés par des journalistes brésiliens et par Astrojildo Pereira, alors secrétaire général du Parti communiste du Brésil (PCB). Ce dernier fut le premier à prendre contact au nom du parti avec le « Chevalier de l’espérance » (le surnom de Prestes, lancé par le journal carioca A Esquerda).

A partir de 1928, réfugié en Argentine, Prestes, confronté à des difficultés financières, survécut grâce au commerce et travailla comme ingénieur civil. Il lut Le Capital de Marx, L’État et la Révolution de Lénine et d’autres œuvres marxistes, ainsi que le matériel de propagande de l’Internationale communiste (IC) en Amérique latine. Il établit des contacts avec le Parti communiste d’Argentine et avec les dirigeants communistes du continent, notamment August Guralski, représentant du Secrétariat sud-américain de l’IC, basé à Buenos Aires.

Au Brésil, les tenentes continuaient leur conspiration et choisirent Prestes comme chef militaire de la « révolution tenentista ». En 1929, dans le cadre de la campagne pour les élections de 1930, les forces d’opposition au gouvernement fédéral décidèrent de former une coalition électorale baptisée Alliance libérale (Aliança Liberal). Elles désignèrent Getúlio Vargas comme candidat à la présidentielle. L’opposition politique et les dirigeants tenentistas, attirés par la candidature de Vargas, firent pression sur Prestes et lui demandèrent son soutien politique. Désormais adepte du marxisme et partisan des positions du PCB, Prestes rompit avec les « tenentes » et refusa de soutenir Vargas durant les élections de 1930 et le mouvement armé qui les suivit.

Dans son « Manifeste de Mai » de 1930, il rendit public son soutien à la proposition du PCB d’une « révolution agraire et anti-impérialiste ». Son refus de participer à ce que l’on appelle aujourd’hui la « Révolution de 1930 » constitua une rupture avec les classes dominantes du pays, dont les secteurs d’opposition comptaient sur son aura et le prestige de la Colonne pour consolider leur pouvoir. Prestes se positionna du côté des ouvriers, des exploités, du peuple, et le resta toute sa vie.

En 1931, il accepta une invitation de l’Union soviétique à venir travailler en URSS en tant qu’ingénieur et y déménagea avec sa mère et ses sœurs. A Moscou, il poursuivit l’étude du marxisme et du léninisme et renforça ses relations avec des représentants de l’IC et de divers partis communistes.

En septembre 1934, il fut accepté comme membre du PCB, qui avait jusqu’alors résisté à son entrée en raison de ses origines « petites-bourgeoises ». À la fin de l’année, impatient de participer à la lutte contre le fascisme, il rentra au Brésil accompagné de la militante communiste allemande Olga Benário, chargée de sa sécurité. Il était alors encore sous la menace d’un mandat d’arrêt.

En 1935, Prestes fut intronisé président d’honneur de l’Alliance nationale de libération (ANL) – un large front démocratique de lutte contre le fascisme, contre l’intégralisme[2] de Plínio Salgado, contre l’impérialisme et la grande propriété terrienne. Depuis la clandestinité, marié à Olga, il participa au Secrétariat sud-américain de l’IC, transféré à Rio de Janeiro, bien qu’il ne soit pas membre de la direction du PCB. Il devint le principal dirigeant du mouvement antifasciste et de l’ANL qui, sous le slogan « Le pain, la terre et la liberté », défendait la formation d’un « gouvernement populaire national révolutionnaire ». De nombreux secteurs sociaux se mobilisèrent dans cette campagne, à laquelle Vargas mit un coup d’arrêt, utilisant la Loi de sécurité nationale pour interdire le mouvement.

Une mauvaise appréciation de la situation du pays conduisit les communistes et les dirigeants de l’ANL à radicaliser le mouvement et à organiser des soulèvements antifascistes en novembre 1935 qui se soldèrent par une défaite. Notons que l’histoire du soulèvement fut falsifiée par le pouvoir avec la création du mythe selon lequel des soldats « endormis » auraient été tués par les communistes lors du soulèvement du 3e Régiment d’infanterie de Rio de Janeiro.

Une violente répression policière se déchaîna contre les communistes et les forces démocratiques. En mars 1936, Prestes et Olga furent arrêtés. Olga, enceinte de sept mois, fut extradée vers l’Allemagne nazie et incarcérée dans une prison à Berlin. Elle y mit au monde une fille, Anita Leocadia, avant d’être assassinée, en 1942, dans une chambre à gaz. Prestes, quant à lui, fut emprisonné à Rio de Janeiro, la plupart du temps au secret, jusqu’à l’amnistie d’avril 1945. Une campagne internationale pour la libération des prisonniers politiques au Brésil, menée par la mère de Prestes, Leocadia, permit de sauver Anita Leocadia des prisons nazies et qu’elle soit rendue à sa grand-mère.

Au début des années 1940, à la faveur du changement de la situation internationale provoqué par les succès militaires de l’URSS face à la Wehrmacht, Vargas adopta des mesures contre l’Allemagne nazie et ses alliés. Prestes, toujours en prison, fut élu Secrétaire général du PCB en 1943 et, avec la direction du Parti, soutint la réorientation du gouvernement Vargas. Il justifia cette nouvelle ligne au nom de l’union de toutes les forces contre le nazi-fascisme.

Avec la redémocratisation libérale de 1945, le PCB fut à nouveau légalisé. Prestes fut élu sénateur du District fédéral (DF) – il réalisa le meilleur score électoral national – et député des États du Rio Grande do Sul, de Pernambuco et du DF. Avec un groupe de 14 députés communistes, il prit ses fonctions à l’Assemblée Constituante qui, en 1946, approuva une nouvelle Constitution garantissant d’importants droits démocratiques.

Cependant, l’avènement de la Guerre froide entre les deux grandes puissances (États-Unis et URSS) conduisit à l’intensification de la persécution des communistes et des forces démocratiques. En 1947, le PCB fut interdit, ses activités déclarées illégales et son siège envahi par la police. En janvier 1948 les mandats des parlementaires communistes furent annulés. Prestes et les dirigeants du PCB, accusés par la Justice d’être des agents de Moscou, passèrent à la clandestinité.

Ces changements conduisirent le PCB à abandonner la politique d’alliances larges (dont l’alliance avec des secteurs de la bourgeoisie) et de participation électorale pour adopter la « voie révolutionnaire », entendue comme la « lutte armée pour la libération nationale » – une position consacrée dans le « Manifeste d’Août » 1950, signé par Prestes.

En 1954, le suicide du président Vargas ébranla le PCB, dont les documents accusaient le gouvernement de « trahison nationale ». Le PCB changea d’orientation politique et, lors des élections de 1955, soutint le candidat du travaillisme, Juscelino Kubitschek. Le parti redevint légal, même s’il ne pouvait toujours pas participer aux élections. Avec l’approbation de la « Déclaration de Mars » de 1958, le PCB adopta la tactique de lutte pour un « gouvernement nationaliste et démocratique », en alliance avec des secteurs de la bourgeoisie considérés comme « nationalistes ». Cette politique fut approuvée lors de son Ve Congrès (1960).

En 1964, le coup d’État renversant le président João Goulart et la mise en place de la dictature militaire déclenchèrent une intense répression contre les communistes et tous les démocrates. Prestes et d’autres personnalités virent leurs droits politiques suspendus pour dix ans. Prestes resta au Brésil dans la clandestinité et participa, en 1967, au VIe Congrès du PCB, dont les résolutions optèrent pour le renversement de la dictature par la lutte de masse, condamnant les positions favorables à la lutte armée – considérée comme irréaliste dans le contexte.

En 1971, sur décision de la direction du PCB, Prestes s’exila en Union soviétique. Il se consacra alors au réexamen de la politique du Parti, dont il critiquait le choix des réformes et des transformations démocratiques dans le cadre du régime capitaliste, laissant de côté, de fait, les objectifs révolutionnaires du parti.

Il rentra au Brésil en octobre 1979, à la faveur de l’amnistie des prisonniers et des persécutés politiques. Il reprit contact avec le PCB et publia sa « Lettre aux communistes », dénonçant l’abandon par la direction du parti de la perspective révolutionnaire et socialiste. Au cours des dix dernières années de sa vie, loin du PCB, Prestes se consacra à la défense et à la diffusion de ses positions politiques auprès des travailleurs et de la jeunesse. 

2 – Contributions au marxisme

À la fin des années 1920, lorsqu’il adhère au marxisme et au communisme, Prestes est déjà un révolutionnaire : il a combattu à la tête de ce que l’on a appelé la Colonne invaincue contre le pouvoir oligarchique au Brésil. Ses premiers contacts avec le marxisme et le léninisme se sont faits à une époque où le mouvement communiste international était sous l’influence des conceptions dogmatiques prévalant alors en URSS après la disparition de Lénine. « Nouveau chrétien » assimilant la théorie marxiste – selon ses propres termes – il choisit alors de suivre strictement les orientations de l’IC.

Dans son « Manifeste de Mai » de 1930, Prestes témoigne de son adhésion à la conception étapiste des révolutions en Amérique latine, approuvée par l’Internationale communiste et suivie par le PCB pendant plusieurs décennies. D’après cette conception, la révolution devait suivre différentes étapes : d’abord une « révolution agraire et anti-impérialiste », et ensuite une révolution socialiste. Cette approche reposait sur l’idée qu’il était possible de développer un capitalisme « autonome » au Brésil, ce que l’histoire et la conjoncture économique mondiale rendaient irréalisable.

En 1935, de retour au Brésil après plusieurs années d’exil, Prestes vit dans l’isolement et la clandestinité. Mal informé par Antônio Maciel Bonfim (nom de code Miranda), alors secrétaire général du PCB, il suit l’orientation du parti qui prône la prise du pouvoir par les armes, estimant qu’il existait une « situation révolutionnaire » dans le pays – en réalité inexistante. Son « Manifeste du 5 Juillet », de 1935, témoigne de sa confiance dans la mobilisation populaire et la préparation du PCB à un soulèvement armé.

En 1938, dans sa correspondance clandestine avec le PCB rédigée en prison, Prestes exprime son accord avec la politique d’ « Union nationale » – et même avec Vargas – dans le cadre de la lutte contre le nazi-fascisme, bien qu’il y manifeste son rejet de l’abandon du « programme révolutionnaire du parti ». Prestes condamne le « soutien inconditionnel » à Vargas officialisé par la direction du PCB.

Prestes met à profit ses années de prison pour approfondir ses lectures dans divers domaines de la connaissance humaine, y compris en philosophie. Sans accès à la littérature marxiste, il privilégie la lecture des philosophes Diderot, Hegel et Feuerbach. Dans des lettres à sa famille, il consigne sa connaissance et son assimilation profonde du matérialisme de Diderot et de Feuerbach, ainsi que de la dialectique hégélienne (en plus du revirement opéré par Marx), tout en critiquant Auguste Comte et la philosophie positiviste.

Dans le « Manifeste de 1950 » et dans la « Déclaration de Mars 1958 », Prestes approuve la thèse de la révolution en deux temps (toujours présente dans le PCB), mais il met en garde contre le danger d’une « tactique réformiste, qui nous mettrait à la remorque de la bourgeoisie » (1958). C’est alors que commence un véritable examen critique de l’orientation politique du PCB, qui s’accentue lors des débats du VIe Congrès, et qui est formalisé dans un document en avril 1969 – non publié à l’époque –, adressé à la direction du parti et rejeté par cette dernière.

À partir de 1971, pendant son exil, il produit un nombre considérable de documents, articles, discours et entretiens dans lesquels il prend acte de la profonde transformation du système capitaliste brésilien, caractérisée par l’émergence de monopoles nationaux et étrangers, articulés avec l’État et le système latifundiaire, dominant les principaux secteurs de la vie nationale. Face à ces transformations, il défend la substitution de la thèse étapiste de la révolution brésilienne par une politique de lutte contre le latifundium et les monopoles nationaux et étrangers, dont le succès pourrait amorcer une période de transition vers la révolution socialiste, qu’il appelle la « nouvelle démocratie ». Cette démocratie assurerait « de larges libertés au peuple, une démocratie économique, politique et sociale ». Il soutient que la mise en place d’un pouvoir anti-monopoles, anti-impérialiste et anti-latifundiaire représenterait « un pas décisif vers le socialisme ».

Pendant son exil et après son retour au Brésil (1979), Prestes continue de critiquer la position de la direction du PCB, qui prônait la lutte pour le retour du pays à la démocratie bourgeoise d’avant le coup d’État de 1964. Il défend alors la mise en place d’une « démocratie avancée » qui répondrait aux intérêts sociaux des travailleurs. Il livre ses positions dans sa « Lettre aux communistes », de mars 1980, dans laquelle il montre son souci – qu’il maintient dans les dernières années de sa vie – de la formation d’un parti révolutionnaire capable de mettre en pratique cette orientation politique.

Au cours de cette période, il fait un certain nombre de déclarations dénonçant le processus de redémocratisation du Brésil – une transition contrôlée par l’armée (qui maintient le pouvoir militaire, reconnu dans la Constitution de 1988), et qui ne revient pas sur la loi sur la sécurité nationale de 1983. Il faut alors vivre, selon ses propres mots, avec les « tous les décombres du fascisme ».

3 – Commentaires sur l’œuvre

Luiz Carlos Prestes n’a presque pas publié de livres de son vivant. Ses documents, articles, discours, entretiens sont pour la plupart publiés dans des tracts, des brochures, des revues et des livres de différents auteurs, et nombre de ses textes sont disponibles sur le web (marxists.org, acoluna.org, ilcp.org.br).

Parmi ses écrits les plus importants, on peut citer : le « Manifeste de Mai » (1930), inclus dans le livre A Coluna Prestes, d’Anita L. Prestes, dans lequel l’auteur proclame son adhésion au programme de « révolution agraire et anti-impérialiste » défendu par le PCB ; le « Manifeste du 5 juillet » (1935), publié dans Prestes e a revolução social, d’Abguar Bastos, dans lequel il appelle à la prise du pouvoir, brandissant le mot d’ordre « tout le pouvoir à l’Alliance Nationale de Libération ! » ; União Nacional para a Democracia e o Progresso (23/5/1945, brochure), dans laquelle il aborde le thème de « l’Union nationale » de toutes les forces démocratiques contre les menaces fascistes ;  Como enfrentar os problemas da Revolução Agrária e Anti-Imperialista (non daté, brochure), dans lequel, durant la période de légalité du PCB (1945-1947), il traite des tâches politiques à entreprendre pour faire avancer le processus révolutionnaire brésilien; Organizar o povo para a democracia (15/7/1945, brochure), discours prononcé à São Paulo en défense de la démocratie ; A palavra de Luiz Carlos Prestes (26/3/1945, brochure), son premier entretien après sa sortie de prison, dans lequel il souligne l’importance de la démocratie pour les communistes ; Problemas atuais da democracia (1947), recueil de documents de Prestes (de la prison et du PCB dans la légalité) publié sous forme de livre ; le Manifeste d’Août (1950, brochure), document du PCB signé par Prestes, dans lequel le peuple est appelé à prendre les armes contre le « gouvernement de trahison nationale » (d’Eurico Gaspar Dutra) ; Declaração sobre a Política do PCB (1958, brochure), document du PCB signé par Prestes, marquant l’abandon de la politique du Manifeste d’Août remplacé par un développement pacifique pour le Brésil; « Texto inédito de 1969 », inclus sur le site Internet de l’Institut Luiz Carlos Prestes, dans lequel il critique la politique approuvée lors du VI Congrès du PCB (1967) ; « Comment je suis arrivé au communisme » (mars/avril 1988, revue Cultura Vozes), un article écrit en 1973, dans lequel il fait le bilan de sa vie ; Carta aos comunistas (1980), correspondance publiée sous la forme d’un livre dans lequel l’auteur critique vertement le Comité central du PCB, en rupture avec cette instance du parti ; « Um poder acima dos outros » (28/7/1988), article paru dans le journal Tribuna de Imprensa, dans lequel il dénonce la consécration du pouvoir militaire dans la Constitution de 1988.

Les autres titres dont il est l’auteur sont : Por que os comunistas apoiam Lott e Jango (mars 1960, brochure) ; « Aspectos da luta contra o subjetivismo no 49° aniversário do PCB » (2/4/1971, article de la Revista Estudos, n°2, publication clandestine du PCB) ; « O programa visto do exílio (entrevista de Luiz Carlos Prestes) », de 1978, dans le livre A quinta estrela de G. Bittencourt ; Proposta para discussão de um Programa de Soluções de Emergência contra a Fome, a Carestia e o Desemprego (1982, brochure) ; Discurso em Havana na Conferência sobre a Dívida Externa (juillet 1985, brochure) ; « Prestes com a Palavra » (1997), textes du livre éponyme de D. Morais ; et enfin « Documentos de Prestes » (2020), dans le livre de G. Rolim, Herança, esperança e comunismo.

4 – Bibliographie de référence

BASTOS, Abguar. Prestes e a revolução social. São Paulo: Hucitec, 1986.

BITTENCOURT, Getúlio. A quinta estrela: como se tenta fazer um presidente. São Paulo: Livraria Edit. Ciências Humanas, 1978.

MORAIS, Dênis (org). Prestes com a palavra: uma seleção das principais entrevistas do líder comunista. Campo Grande: Letra Livre, 1997.

PRESTES, Anita Leocadia. A Coluna Prestes. São Paulo: Paz e Terra, 1997.

______. Luiz Carlos Prestes e a Aliança Nacional Libertadora: os caminhos da luta antifascista no Brasil 1934/35). São Paulo: Brasiliense, 2008.

______. Uma epopeia brasileira: a Coluna Prestes. São Paulo: Expressão Popular, 2009.

______. Luiz Carlos Prestes: patriota, revolucionário, comunista. São Paulo: Expressão Popular, 2006.

______. Campanha Prestes pela libertação dos presos políticos no Brasil (1936-1945): uma emocionante história de solidariedade internacional. S. Paulo: Expressão Popular, 2015.

______. Luiz Carlos Prestes: um comunista brasileiro. S. Paulo: Boitempo, 2015.

______. Olga Benario Prestes: uma comunista nos arquivos da Gestapo. S. Paulo: Boitempo, 2017.

______. Viver é tomar partido: memórias. São Paulo: Boitempo, 2019.

ROLIM, Gustavo Koszeniewski (org). Herança, esperança e comunismo. São Paulo: Lutas Anticapital, 2020.

Notes

[1] Tenentismo: (adjectif : tenentista) mouvement politique révolutionnaire brésilien initié par un groupe de lieutenants (tenentes) dans les années 1920.

[2] Mouvement politique fasciste brésilien des années 1930.

* Anita Leocadia Prestes é doutora em História (Universidade Federal Fluminense) e em Economia Política (Instituto de Ciências Sociais de Moscou); historiadora, professora de História Contemporânea da UFRJ e militante política. Autora de, entre outras obras: Uma epopeia brasileira: a Coluna Prestes (Expressão Popular, 2009); e Luiz Carlos Prestes: um comunista brasileiro (Boitempo, 2015). É membro do Conselho Editorial do Dicionário marxismo na América.

* Anita Leocadia Prestes est docteure en Histoire (Université Fédérale Fluminense) et en Économie Politique (Institut de Sciences Sociales de Moscou); historienne, professeure d’Histoire Contemporaine à l’UFRJ et militante politique. Elle est l’autrice, parmi d’autres ouvrages, de : Uma epopeia brasileira: a Coluna Prestes (Expressão Popular, 2009) et de Luiz Carlos Prestes: um comunista brasileiro (Boitempo, 2015). Elle est membre du Conseil Critique Consultatif du Dictionnaire Marxisme en Amérique.

* Article édité par Yuri Martins-Fontes et Solange Struwka, et originellement publié sur le portail du Núcleo Práxis-USP, en tant que notice du Dictionnaire Marxisme en Amérique, œuvre collective coordonnée par cette organisation. Sa reproduction sans fins commerciales et sans altération est autorisée. La source doit impérativement être citée (nucleopraxisusp.org). Les suggestions et les critiques sont les bienvenues, elles peuvent nous être communiquées à cette adresse : nucleopraxis.usp.br@gmail.com.

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